Santa Barbara Triathlon
Une fois n'est pas coutume, le récit ne se trouve pas sur ce site, mais dans le Tricycle du Rustheam Ecublens (pdf)
Voici une copie (la version publiée dans le Tricycle contient des images supplémentaires, ainsi que d'autres articles intéressant sur les activités du Rushteam) :
Home Run – 2015 Edition
Une saison de triathlon est souvent (toujours ?) marquée par une course à la maison – traditionnellement Lausanne, et 2015 étant une saison particulière, il lui fallait un Home Run particulier, le week-end de Lausanne.
2015 pas comme les autres
Mais revenons quelque peu en arrière tout d’abord, à 2015 qui commence sous les drapeaux de la caserne de Dübendorf (ou dübi pour les intimes). Après un hiver chargé en ski de fond, ma première course se fait à Payerne, sur 10km. Et les sensations sont terribles : je m’attendais à un chrono pas exceptionnel, mais dans la tête j’ai craqué bien avant mes prévisions, et ne suis jamais rentré dans la course. Un changement de mentalité s’impose, oublier la montre et prendre plus de plaisir, pour moi-même. Changement payant puisqu’à Kerzers je réussis une course presque parfaite, battant au passage quelques PRO (enfin en tout cas un – oui je veux dire Daniel ;)).
Enfin libéré de mes obligations, je passe un week-end magnifique comme d’habitude à Porrentruy, mais aussi plus difficile que la saison passée, ah les kilomètres me manquent. On me refuse la participation à Wallisellen, puisque partant pour les US peu après je n’ai pas pris de licence PRO. Je serai donc spectateur avec les jambes qui me titillent malgré tout. Les 20km de Lausanne seront l’occasion de se défouler, encore une belle réussite, et satisfaisant pleinement l’objectif de l’année passée (où j’étais un peu à côté malgré une bonne – meilleure ? – préparation).
Le grand départ s’ensuit pour la Californie, son soleil brûlant, ses plages, la visite des parcs nationaux avec Nadine, l’accommodation au laboratoire et à la ville si grande qu’il me faut 45km pour rejoindre l’océan ! Peu de sport le mois de mai, en voilà une nouveauté ! Et quand je lis les premiers récits de courses sur le forum du Rushteam, me revoit-là l’envie de courir. Il m’en faut donc peu pour m’inscrire à un semi-iron réputé difficile à une semaine de la course, début juillet. June Lake, me voilà !! Le cadre est splendide, la natation et le vélo se déroulent bien, mais la préparation un peu aléatoire se paie cash dans un parcours càp très vallonné.
Après tant de particularité, il faudrait bien justement une course que je puisse préparer sur plusieurs semaines, et Santa Barbara fin août semble opportun. Juste le temps de placer une semaine de récup, un bloc d’entraînement, quelques bonnes intensités à J-15 puis 7 jours et un taper pour me présenter en pleine forme. En réalité ça se modifie un poil en fonction de la charge de travail au labo, de douleurs au mollet droit, et de la canicule apportant 42°C à une semaine de la course, mais ça c’est tout le travail d’adaptation.
Santa Barbara
Vendredi donc prise des dossards avec mon coloc qui court le sprint du dimanche, et une bonne nuit de sommeil à Isla Vista, chez un ami Suisse étudiant à UCSB (enfin c’est le plan, mais quand il faut se lever à 4h35 je pars au lit à 20h, et je découvre qu’Isla Vista est une ville-campus étudiantine à part entière à environ 20km de Santa Barbara, c’est donc bercé par la musique des voisins de gauche et le beer-pong de ceux de droite que je somnole allongé).
Samedi matin départ de bonne heure sur le lieu de la course (alors que mes voisins sont à peine couchés). Je serai dans la 5e vague, drôle d’idée (les PRO partent premiers, suivis par les AG en ordre décroissant). L’océan est de température agréable avec néo, mais ça irait aussi sans, salé évidemment (je remarque avoir une drôle de tendance d’avoir toujours de l’eau dans la bouche en nageant), et sans requin (enfin je crois, paraît qu’un kayak c’est fait attaquer deux jours plus tôt. Peut-être que toute cette agitation l’a juste effrayé ?). Rapidement je me retrouve 2e de ma vague, et après la première bouée et quelques 300m on se prend à zigzaguer entre les vagues précédentes. Avec la houle et les dépassements, dur de suivre dans les pieds, mais je me repère quand même plus ou moins. La fin de la nat (1600m) se passe sans histoire et je sors 3e (4e ?) de ma vague, juste derrière un relai. Transition rapide et départ pour le vélo le long de la côte. Pas trop de vent aujourd’hui, c’est parfait (parce que rapide mais aussi et surtout parce que l’humidité de l’océan mettra du temps à se dissiper, et on se retrouve donc avec des conditions fraîches).
Commence donc pour moi une chasse au contre-la-montre : je suis un des rares sur vélo de course traditionnel avec petit guidon de tri draft-legal, et pourtant je rattrape beaucoup de vélos bien plus « aéros », qui parfois se mettent à former un train de cyclistes derrière ma roue. Peu importe, je fais ma course, me dis-je sur le premier tronçon. Avant de me rappeler que le profil présente 3 côtes. Parfait : une attaque sur la première en danseuse et paf le groupe explose (mis à part un autre cycliste qui m’accompagnera plus ou moins sur la moitié du parcours). Scénario idem jusqu’à la 2e bosse : quelques faux-plats ou je rattrape du monde (qui parfois se prennent l’idée de me dépasser en faux-plat descendant) et boum tout le monde (sauf le même à nouveau) disparait dès la montée. La descente est un peu mauvaise, je reste très prudent. Sur le retour un arbitre nous force à freiner (quelle idée lui a-t-il prise de respecter les panneaux 20mph ?). La troisième montée arrive, là plus grand monde avec moi, et les deux clm qui m’accompagnent me lâchent dans la descente puis les derniers 5 kilomètres vers la transition. Je gère tranquille, ravitaillant comme il faut – redoutant un peu le mollet sur la càp.
Rassuré dès les premiers pas, je peux pas dire autrement. Je me sens vraiment bien, le ravito a bien passé aussi (mélange de powershots solide et de 2/3 iso 1/3 coca dégazéifié liquide), je vole le long de la plage, et reprend mes deux cyclistes en un rien de temps. Un coup d’œil à la montre : après un départ en 3’20 sur 500m, je stabilise à 3’45 les premiers kilomètres pour passer à 5k en 18’30. Un peu de ballonnement dans le ventre, mais ça passe vite. Une petite montée m’attend, et elle passe presque sans efforts. Juste un peu d’eau aux ravitos alors que le soleil pointe son nez. Je croise une fusée en tête puis plus personne. Enfin des concurrents en face alors que j’approche du demi-tour. Un seul de ma catégorie, et avec 8km à parcourir il compte 600m d’avance. Aller on se motive, c’est maintenant qu’il faut essayer ! Passage aux 10km en 38’09, et puis attaque de la descente à vive allure : je le vois en point de mire, accélère la cadence à 3’25 en profitant de la descente et le passe après un peu plus de 12km (il se met à marcher peu avant, je lui tape alors sur l’épaule et lui lance un « keep going » pour le motiver un peu). Me reste 4km, dont les deux derniers seront plus pénibles parce que la cheville gauche montre des signes de fatigue mais aussi les pieds forment de nombreuses cloques avec le sable et l’humidité (pas de chaussettes – évidemment). A un mile, l’encouragement opportun : “Home Run boy, way to go! Go get it!” Je passe au-dessus de l’heure pour les 16km à quelques secondes près, hyper-content de ma course.
Une préparation qui a été payante, et une gestion de course qui a permis un càp dont je suis fier. Première place de la catégorie 20-24ans, 6e overall derrière 5 PRO (en 3h02, à 7min du 2e mais 21 du 1er !), qui sont partis malheureusement bien plus tôt donc aucune comparaison possible pendant la course.
En spectateur
Je passe ma journée de samedi à flâner à travers Santa Barbara et Isla Vista pour regarder la course sprint du dimanche, l’occasion de voir aussi certains détails qu’on n’apprécie pas forcément en tant que coureur :
- Le rituel d’un départ américain : tout le monde s’échauffe dans l’eau bien avant le départ, parce que 10 minutes avant on appelle les participants à sortir. Les lifeguards (qui portent de nos jours un espèce de skinfit manches longues blanc en plus du traditionnel short/bikini rouge – je suppose pour limiter le nombre de noyades simulées) font une démo où ils partent tous en courant dans l’eau avec leur surfboard, puis on chante l’hymne national, la main sur le cœur, tourné vers le drapeau, avant de se battre pour la première ligne.
- Les bénévoles : comme cette dame du tri-club local qui nous guidait dans la zone de change le jour précédant, chante l’hymne national a cappella le matin même à quelques minutes du départ, et participe ensuite à son triathlon sprint. Elle me reconnait sur la plage, et me demande comment mes cloques ont guéri pendant la nuit !!
- Mon coloc, qui en bon Américain, la cinquantaine, est convaincu qu’il est capable de faire un triathlon. Après June Lake, il se décide donc de s’inscrire (il était semi-PRO en football américain – j’apprendrai plus tard que par semi-PRO il veut dire membre du team de son gymnase). De multiples achats (2 néos, tuba, pull-boy, vélo, casque, compteur, chaussures, abo fitness et piscine, etc) et moindres entraînements (max 15km vélo, 5km pied et 80m nat sans s’arrêter) plus tard il semble confiant – un peu trop d’ailleurs : 4min30, c’est le temps qu’il estime pour 500m de natation (en ayant compté sur 25m dans sa tête). Evidemment les doutes arrivent avec l’approche de la course (« J’aime me pousser au fond pour me reposer, je pourrais faire ça dans l’océan ? », « Pourquoi ils mettent 4 grosses bouées oranges, plutôt que plein de petites, il y aurait plus de place pour que des gens se reposent ? » et j’en passe). Après 50m, il perd l’orientation, et se fait ramener à bout de souffle par un lifeguard sur la plage (moi j’aurai choisi une lifeguard m’enfin on se noie pas toujours là où on veut). Alors qu’on lui dit de retourner vers la zone de transition prendre ses affaires et rendre la puce, il choisit d’enfourcher son vélo et de partir sans gêne sur la fin du parcours ! En passant la ligne, ses commentaires seront : “I could’ve done it if I really wanted to!” et “I’m surprised the average population is in such good shape!”.
- Le matériel ne fait pas tout : la course des enfants est particulièrement flagrante. C’est l’occasion de voir deux jeunes filles de 15 et 16 ans poser leur contre-la-montre carbone en trifonction club et avaler un gel en T2 en même temps qu’une jeune nageuse en maillot de bain et city-bike !
- Enfin, et je m’arrêterai là : un unijambiste qui m’a impressionné de volonté. Le voilà qui arrive avec des béquilles sur la ligne de départ, les refile à un ami, sautille sur une jambe jusque dans l’eau, enfile une prothèse en T1, effectue le parcours vélo, change de prothèse en T2, et part à pied dans le top20 du sprint !! Il a pris son temps en boitillant sur les 5km, mais mille fois mérité l’ovation en passant la ligne d’arrivée !
La suite…
… est encore bien incertaine, mais peut-être bien que je retenterai ma chance sur un semi-marathon vers la fin octobre (pour essayer, comme aux 20km où 2015 a effacé une perf de 2014 malade, d’effacer un chrono pourtant potable d’Amsterdam blessé au genou). Mais pour cela on verra d’abord d’ici une bonne semaine comment mon mollet récupère de mes efforts. Et ce sera ensuite l’écriture de ma thèse de master, le retour en Suisse, et – je l’espère – la préparation d’une saison 2016 beaucoup plus traditionnelle. Enjoy and be safe ! comme ils disent par ici.