TDFO 2020
Si la saison des courses est on ne peut plus incertaine, il en est une qui tient à cœur à tout bon triathlète de la région lausannoise, et qui a pu avoir lieu : le TDFO. Après l’annulation successive des camps d’entraînements du Rushteam, l’allégement du lock-down en Suisse fût le signe d’espoir que le comité pris comme feu vert pour l’organisation d’une nouvelle édition de la réputée balade cycliste.
C’est ainsi qu’à une petite semaine du départ, je reçois la notice WhatsApp et décide d’installer en 4e vitesse les roues carbones sur le vélo de contre-la-montre. Si on fait l’effort de rentrer à Lausanne, au moins que ça soit pour rouler en conditions proche de celles de triathlon.
Posé. Peut-être un peu trop... (toutes les photos par Sébastien).
Vendredi soir, la petite équipe se retrouve donc devant DPD à Bussigny pour un prologue modifié. Un peu plus long, toujours très plat. Si l’on n’entend pas la ruche des rouleaux d’échauffement sur le parking de départ, il ne faut pas s’y méprendre pour autant : il y a quelques gros diesels aussi ailleurs que dans les 40 tonnes qui sillonnent toujours la route du Moulin du Choc en ce début de soirée. Après un petit échauffement/repérage rapide, viennent les premiers départs. Étant placé presque tout à la fin, je pars alors que Philip a déjà bouclé un tour de son pensum (sur 2). Malgré quelques mésaventures avec son vélo, il semble tenir la forme. Je peine à clipper un poil au départ, et me lance ensuite à une bonne allure, tentant de poser la queue de mon nouveau casque profilé entre les omoplates, le tout en maintenant une puissance proche de ma FTP. Le trafic ne s’atténuant que trop faiblement à mon goût n'empêche toutefois pas de bonnes sensations sur mon effort. Après une boucle, premier check au passage : je dois être plus ou moins dans les temps de Phil. Lorsque je croise Daniel à nouveau la distance semble être légèrement plus grande, quelques secondes de reprises ? Sur le retour mes jambes s’essoufflent quelque peu, et à l’arrivée on me donne quelques malheureuses 4 secondes de retard sur Phil, une petite dizaine devant Daniel. Satisfait, même si parfois j’ai l’impression que j’aurai pu tenir le rythme plus longtemps, indiquant qu’il en restait un peu dans le réservoir…
Paraît que Chris Froome a appelé, sa potence était jalouse.
Samedi matin, l’étape reine en montagne se profile. Un peloton conséquent prend la route direction Apples-Ballens-Bière, où malgré la dé-neutralisation déjà passée les conversations vont bon train et personne de pose d’attaque. Ça ne devrait tarder, le petit creux sur Saubraz donne toujours une bonne occasion. Et c’est le maillot jaune sur les épaules de Phil qui se pointe à l’avant, forçant Josué et David à rouler pour combler le trou. Après la cuvette, les attardés (dont moi qui discutait de l’influence du lock-down sur le nombre de clients en physiothérapie avec Estelle) profitent de leur vitesse pour faire passer dans le rouge quelques-uns des athlètes. Les tempéraments se calment assez vite toutefois, et un groupe assez grand se rapproche de Bassins où les attaques se font attendre. Josué entreprend la stratégie de la montée au train asphyxiant, Philip semble faire du yoyo mais ne craque pas. Giorgio, Thierry, Enrico, et David sont encore là, mais l’accélération de ce dernier semble plus être le dernier souffle pour aller montrer le maillot qu’une attaque sévère en vue de prendre les devants. On se retrouve à quatre ensuite vers mi-montée, avec Philip bien accroché mais dans le dur, qui avouera à la fin de l’étape avoir profité du fait qu’il n’y avait aucune attaque sèche, lui qui préfère le rythme au train. Mauvaise tactique donc de l’équipe Rushteam. Josué pioche quelque peu, pas dans son meilleur jour, et on part à deux avec Daniel sur les derniers contreforts. Sur le replat au sommet une troupe de vaches (dont certains observateurs indiqueront qu’elles portaient un médaillon Magicrème) nous fait ralentir ne serait-ce qu’un poil et Philip revient dans la roue. Le jeu d’équipe s’inverse alors. Moi qui comptait rouler pour le laisser en chasse-patates décide de leur laisser se partager l’effort dans la combe des Amburnex. Josué est en poursuivant mais je ne le vois pas. Je passe mon temps dans les roulettes, « à compter les pâquerettes » (612 pour les curieux, soit quasi exactement une pâquerette pour deux bouses de vaches). Reste une petite bosse sur le Marchairuz, que j’attaque à 880 watts avant de finir autour des 400w sur le dernier virage, et la descente sur Bière. Daniel passe le col en tête toutefois, et s’élance confiant sur ses prolongateurs, comme si ces avant-bras étaient restés collés malgré le compteur approchant les 70km/h. En grand descendeur que je suis, je serre mes petites fesses et me penche sur mon guidon pour tenter de rester au contact, chose bien difficile. Je limite les dégâts sur la première partie, et rejoins même Daniel sur l’épingle alors qu’il est bloqué par un petit groupe de motards. Il me reprend toutefois une quinzaine de secondes sur la deuxième moitié. Ma descente est bonne, signe de progrès, mais pas encore parfaite. Arrivé au fond, virage à gauche ralenti par une voiture, et j’aperçois Phil qui vient presque de boucher ses 40s du passage au col. Le presque est important, car un petit à-coup à 600w sur mes barres de contre-la-montre alors qu’il est en vélo de route me permet de conserver une longueur d’avance sur la ligne d’arrivée.
À la Migros de Bière, les cocas sont dévalisés à midi, et si le temps est encore au beau, les nuages noirs de l’horizon n’inspirent guère confiance. Daniel s’élance en premier sur le contre-la-montre de côte de l’après-midi alors que le vent se lève. Deuxième depuis la fin, je profite d’être sur mon Speedmax pour remonter pas mal de positions sur la première moitié vent de face au pied du Jura. Un peu trop peut-être, mais tant pis. En tournant à L’Isle c’est une file de Rushtistes qui s’aligne devant moi et que je me promets de reprendre. Virage sur Châtel, les premières gouttes se font sentir. Je croise David et Estelle qui renoncent à la montée. Je pense alors que ça n’est pas trop grave, car la vitesse est de toute façon réduite et les risques ainsi minimisés. D’autant plus que si Daniel est monté en premier, il nous faut alors faire de même. La pluie s’intensifie, les lunettes s’embrument, les orages tonnent à l’horizon. Puis viennent les éclairs, toujours à distance mais pas très rassurants. Les gouttes deviennent plus fortes, tient, il grêle désormais. Impossible de voir le compteur, et à peine la route devant. Sur mon 39x25 il s’agit plus d’appuyer assez fort sur les pédales pour rester debout que de jauger mon effort. Le temps ou les performances ne comptent plus, il est désormais question de finir. D’atteindre cette ligne d’arrivée virtuelle où Daniel attend tremblotant dans le froid que quelqu’un le rejoigne. Car en course, on peut se faire croire qu’elle indique une délivrance, et le chaud confort d’avoir fini son pensum sous la pluie. La montée traîne en longueur, il reste le passage « des Toblerones » (dont j’attends toujours l’explication du nom, au moins dans le Toblerone ça redescend après chaque raidillon…). Une fois au sommet, la prise des temps sera négligée, et échangée pour un chocolat chaud et une tarte aux fraises (priorités…). Les valeureux combattants se disant que c’est une étape « dont on se souviendra », digne de faire partie du manuel d’histoire des jeunes triathlètes suisses. Autre occupation : la lecture du radar MétéoSuisse. Oui parce qu’en fait de l’Auberge de Châtel, il reste 30km de descente avant d’atteindre la douche chaude de la maison à Ecublens. 30km sous la pluie, et un vent tempétueux, mais heureusement hors compétition et ainsi parcourus sans prise de risque aucune.
Le samedi sera célébré au petit resto Japonais de Morges. On y discute alors de ma prise du maillot jaune, confirmée par une photo de screenshot du directeur technique comportant autant de pixels que de survivants de l’étape, ainsi que de la tactique du lendemain des perspectives de carrière de chacun.
Classe la formation.
La nuit de repos était bien méritée. Enfin pour presque tous, une nouvelle recrue MétéoSuisse a dû passer la nuit à re-programmer un serveur de simulation pour garantir aucune goutte le lendemain. Une histoire de radar n’ayant pas la bonne inclinaison négative pour voir du crachin basse altitude en voudra autrement, et c’est sous une pluie fine qu’une bien maigre équipe s’élance le dimanche matin direction Les Clées. Si le nombre de participants est faible, leur vitesse est élevée, et à la pause déneutralisation c’est un vote quasi unanime pour faire l’étape originale et non un raccourci. Hier on pouvait se permettre de compter les pâquerettes, mais aujourd’hui on n’est pas là pour cueillir des marguerites. Les bons de sortie se font un peu plus présents, signe non trompeur de la fatigue qui s’installe. Toutefois c’est assez groupé que l’on rejoint la seule difficulté de la matinée. Josué et Enrico font le forcing, alors que Philip lâche un poil de terrain. Sur la descente annoncée dangereuse, il me reprend toutefois et fait crisser un peu les pneus pour rejoindre la tête. Si je suis décroché au fond, et tente de revenir, ils m’attendent car la portion était ‘neutralisée’. Un peu désolé d’avoir empêché Jo de faire un petit trou sur Phil, mais l’on se dirige sans autre attaque à cinq sur l’arrivée aux casernes de Chamblon. Le futur grimpeur de l’Everest en remet une, mais Daniel ira régler le sprint d’une aisance impressionnante. Le contre-la-montre final de l’après-midi promet.
Rien à redire. C'est propre.
Je pars dernier, en tant que porteur du maillot jaune pour quelques secondes. Mais à une minute d’écart, Daniel est trop loin pour faire vraiment des pointages. Il me semble bien rouler sur le plat, mais entre l’élan coupé à La Sarraz et à Cossonay, ainsi que les jambes mettant de moins en moins de force sur les pédales, je cale sur la fin, et laisse la victoire filer à Daniel qui remporte aussi l’étape. Phil se glisse entre nous deux, démontrant une fois de plus son meilleur aérodynamisme.
En résumé, très content d’avoir pu tester la forme sur le vélo en 3 jours avec les amis. Je roule bien seul, progresse (bien que gentiment) dans les descentes, et surtout soutient mieux des charges répétées par rapport aux autres éditions. Merci Séb pour l’accompagnement voiture, et Phil pour l’organisation !
par Jo the 10-08-2020 at 17:25