Swimrun 1000 lakes
Un swimrun, ça se court à deux, alors ça se raconte aussi à deux. Cendrine prend une fois de plus l’initiative, et moi je complète avec mon grain de sel.
Après le swimrun sprint en Engadine en 2016 (http://www.slowtwitch.com/News/The_Engadin_SwimRun_Sprint_5872.html), on remet ça mais pour une version longue, cette fois dans l’arrière-pays berlinois. On ne sait pas très bien à quelle sauce on sera mangé après une édition 2016 frisquette (10 degrés pour l'air et l’eau), mais les organisateurs promettent une belle « balade » : "Get ready to embark on a new adventure, through mystical forests and in untouched lakes". Cette année, les semaines précédentes ont été rassurantes puisque la température annoncée est de 15-17° (après la course, certains diront 14°, mais qu'importe c'est trop tard) et surtout Jean-Claude se remet gentiment de sa blessure. C’est pas la température qui me préoccupe, mais plutôt la progression lente de ma blessure même en renonçant à tout autre triathlon après notre Ironman de cet été. Avant la course je suis un peu mieux qu’en juillet avant l’iron, mais pas à 100% non plus. Le genou droit fait souvent des siennes lorsque les entraînements traînent en longueur.
Notre week-end commence vendredi avec un départ aux aurores pour Berlin. Petit détour en ville, le temps de croiser la ligne idéale du marathon et on parvient ensuite à Rheinsberg, notre lieu de villégiature. J’ai pris Cendrine comme guide pour une visite rapide de Berlin. Que pourrait-on voir en passant ? La porte de Brandenburg et le Reichtag depuis la gare centrale, et comme la visite est courte on se dit qu’on pourrait y venir une fois suivre la ligne bleue sur tous les 42km195 ? Pendant les deux journées d’avant-course, on marche (un peu trop) pour découvrir les alentours (château, forêts multicolores, lacs et port), on reconnaît la fin du parcours, profite de regarder le sprint. Comprenez par-là que contrairement aux recommandations d’avant un effort d’endurance à pied où l’on conseille « Don’t stand if you can sit, don’t sit if you can lie down », nous on marche 15km à se perdre dans les forêts avoisinantes, et le long du lac qui semble pas si froid (à y tremper la main au bord).
Dimanche 1er octobre, on y est. Une forêt de bonnets rouge, vert, orange, aux couleurs de l’automne, égaie la grisaille et la fraîcheur matinales. Dans le car on est bien calme, et à côté ça discute de combien long est le trajet, et qu’il faudra courir tout le retour. On attend tous la même chose: courir nager courir nager courir... 11 sections de course, 10 de natation pour environ 34km de trail et 7,5km de natation. Heureusement d’ailleurs, qu’il y a ces coupures, courir tout le trajet serait, pour citer mon voisin enfilant sa combi : « unmenschlich ». Je me demande bien comment ça va se passer. Le coup de pistolet libère tout le monde.
1er constat: ça part vite! Les deux premières équipes devant doivent juste faire le sprint pour la caméra, ou alors il faut vraiment se placer si vite avant le sentier annoncé ? On a prévu de courir à 5’/km, aussi longtemps que je tiendrai… 1er km en moins de 4'30… « On va ramasser si toutes les équipes sont aussi fortes », c’est ce que je pense tout en me forçant à ralentir un peu. Pas facile, d'autant plus que Jean-Claude aimerait bien suivre… Comme l’élastique est interdit sur cette première partie, il finit par passer derrière pour éviter de me semer. Pas facile de se mettre dans le bon rythme. Déjà tout seul ça m’arrive d’être emporté, mais en plus il faut surveiller autour de pas perdre contact avec Cendrine, ni glisser sur les virages en pavés mouillés. Je préfère être dans ses pieds finalement. Pavés, sable, sentier, puis champs, on découvre le terrain de jeux. Après le premier kilomètre le sentier se resserre, les équipes s’étirent et deux trois petits trous entre groupe se forment devant nous. Moi qui pensait qu’on serait comme en Engadine forts à pieds et moins habitués en natation à deux.
La voilà, la 1ère natation: 1000m. Lunettes et pull buoy en place, élastique (orange évidemment !) accrochée: c’est parti. Elle a l’air facile je me dis, tout droit jusqu’à la bouée puis à gauche vers une sortie cachée. Mais l’avantage d’un départ plus conservateur c’est que la ligne idéale est tracée à côté des équipes déjà dans l’eau.
2e constat: nos transitions sont rapides et dans l'eau on file, on glisse! Un régal! On reprend équipe après équipe. Souvent on reprend du monde en rentrant dans l’eau. Lunettes quelques mètres avant, pull-boy au premier pas dans le lac, je me retourne et demande « C’est bon ? », et si Cendrine gueule pas je plonge et part avec l'objectif de reprendre le plus d'équipes possible. (Note: ça me vaudra une fois un beau plouf. Alors qu'une bénévole dit quelque chose sans que je n'écoute je fais machinalement le premier pas dans l'eau et hop enfoncé jusqu'à la taille avec un arbre bloqué devant moi. Zut pour une fois j'aurais dû prendre quelques secondes en entrant).
3e constat: en course à pied, les équipes sont soit plus fortes soit de niveau égal (au mien bien entendu parce que sinon Jean-Claude serait loin devant). On court, nage, re-court, re-nage... Et on profite de dépasser des duos moins rapides dans l'eau. Cendrine passe sous silence le départ de la deuxième section course où une flèche indique droit dans le pentu d’un champ de patates, je m’arrête presque étonné, et elle me lance un : « Bon tu cours ? ». Après une nouvelle forte remontée à la 2e natation, les positions changeront beaucoup moins.
Ravito.
En sortant de la plus longue section natation (1300m), on se ravitaille pour se préparer aux prochains 7km de course. J’ai fait l’effort sur la fin de la natation pour revenir sur deux équipes pas loin devant. J’essaie surtout de remettre mon pull buoy qui glisse depuis le départ et qui commence sérieusement à m’agacer en courant. Mais, avec les mains froides, j’ai de la peine à la raccrocher. Alors que la caméra se pointe sur nous en commentant : « Ensemble au ravito la tête de la course féminine avec des équipe mixtes ». J’essaie d’aider un peu mais trop tard elle s’en sortira toute seule. Jean-Claude m’attend pour repartir et je vois une équipe mixte qu’on vient de rattraper partir en boulet de canon. Pas besoin de mot, je le sais: on va aller les chercher. Et ça ne rate pas! Ben oui on est sortis avec de l’eau il faut maintenant reprendre le contact et les lâcher à la prochaine natation. Petit à petit, on revient. On a aussi en point de mire l’équipe féminine composée de Diane (triathlète de Pully, exilée à Stockholm) qui doit être en tête de la catégorie féminine (2e au final). Faciles à repérer avec le dos rose des leaders de la série. On court à trois équipes. Au rythme du souffle de Cendrine, qui a bien accéléré, je me dis qu’on pourrait ralentir un poil et rester avec au lieu de continuer notre train élevé. On a un peu accéléré pour revenir (et passer devant!) et on le paiera: Jean-Claude a le genou qui se réveille à la prochaine course et mes quadriceps deviennent douloureux. Et que 21 kms de fait... Mais on ne doit pas être les seuls à souffrir... Effectivement l’autre équipe mixte souffle fort et Diane me dit qu’elles sont dans le dur.
On lâche l’équipe mixte à la faveur d’une nouvelle natation et on court avec les filles. Malgré ma première foirée en natation. Perdu une plaquette en plongeant, puis parti vers la bouée de milieu de parcours qui n’était pas bien alignée avec la sortie, et non obligatoire à prendre. Elles finiront par nous lâcher, on ne les reverra plus. Comme on ne verra plus tous ceux qu’on a dépassés, même s’ils semblaient plus rapides à pied. Jusqu’à se retrouver seuls. C’est surprenant de voir les écarts qui se creusent petit à petit, certains devant payer les efforts du départ... Il semble qu’on se mette dans un rythme plus confortable, où je ne pousse plus trop à pied de peur de faire trop mal à mon genou. Les sections s’enchaînent, plus courtes en natation, plus longues en course à pied. Et surtout me semble-t-il avec bien moins de rendement. Si les routes à jeep d’avant étaient passables en cherchant les endroits plus durs et tassés, désormais le sable et les racines semblent remplir les chemins. A un croisement le panneau indique carrément en sous-bois en dehors de tout chemin. Il faut suivre les petits rubans accrochés aux arbres, facilement repérable par les traces de pas des équipes précédantes dans la mousse et les fougères (Cendrine à l'arrivée semble avoir couru en mode automatique et râté ce passage...).
En sortant de l’eau, Jean-Claude me demande s’il nous en reste bien une. « Euh…plutôt quatre…». Oui mais moi j’avais 40km en tête et on est déjà à plus de 30 ?! Au fait c’était 41km officiels, presque 45km en vrai. Heureusement Cendrine a le plan sur ses plaquettes. Ça me donne quand même un coup au moral, d’autant qu’il n’y a absolument personne autour. Je me réjouis des natations qui arrivent.
Sortie de l'eau.
Après avoir repris notre chemin, on arrive à la dernière longue section de natation : 1100m. Tout se passe bien jusqu’aux 1000m, je sens alors l’eau se refroidir brusquement et un gros coup de froid… En sortant, mes jambes refusent d’avancer avant de se remettre progressivement en route, mais le rythme n'y est plus. 2km et encore 500m de natation jusqu’au prochain ravitaillement… 2km, c’est court, en sous-bois c'est agréable, j'apprécie ce genre de parcours, je m’amuse : ça, c'est en temps normal. Là, c’est long, j’arrive à peine à lever les pieds pour éviter les racines, c’est terrible... Jean-Claude s’adapte. Le froid ne me gêne pas, j’ai mangé mon propre gel et pas besoin de grand-chose. Juste les épaules qui fatiguent un peu, et le genou qui sans crier à la douleur me rappelle toutefois à chaque pas qu’il n’attend que l’arrivée. Au ravitaillement, on prend un peu plus de temps pour récupérer. Ce qui est pire pour les muscles je trouve, pour ma part la plus dure section de course à pied a été la remise en marche après une pause plus longue au ravito.
3100, 3400 ou 3800 : je n'arrive pas à déchiffrer la dernière distance à pied inscrite sur ma plaquette, tant pis on verra bien (la prochaine fois, j’écrirai plus gros !). En sortant de la forêt, après un virage, l'obélisque se dresse devant nous. On l’a vu hier, on sait qu’elle marque la fin, ne reste qu’une natation, enfin !
Dans l’eau, Jean-Claude s’oriente plus souvent que nécessaire, il zigue-zague et je me demande ce que fait ce bateau au milieu de notre chemin... Un photographe prenait des clichés : plus on s’écartait, plus il s’approchait et cachait le fanion indiquant la sortie… Damn ! Je voulais viser le bon endroit, le bateau s’approche, je crois qu’il m’indique de changer de direction, et plus je change plus il se rapproche. Jusqu’à ce qu’en respirant une fois je voie la caméra et décide de le frôler. Tant pis ça fera une banane pour une fois.
Encore 300m à pied pour rejoindre la ligne, je suis soulagée d’en finir, vidée, mais heureuse d’avoir pu partager cette aventure avec Jean-Claude. Moi aussi, merci Cendrine ! Saucisses, douche chaude et banquet nous attendent et permettent de commencer la récupération. Ainsi que deux allers-retours jusqu’à l’hôtel pour compléter à 60km le total de la journée. Faudra récupérer musculairement et aussi traiter l’inflammation de retour.
Ligne d'arrivée.
Le lendemain, c’est retour à la maison (après la fin de la visite de Berlin) la tête remplie de cette expérience et des découvertes du week-end avec l’envie de recommencer… un peu plus tard…
Si le swimrun se court à deux, pour profiter d’une telle aventure, il y a aussi tous ces entraînements partagés avec vous, sous oublier vos précieux conseils et vos nombreux messages : merci !
Cendrine et Jean-Claude
Après l'arrivée.