Daniel & Jean-Claude Besse

Natation Vélo Course

Ironman 70.3 Barcelona

Ça monte tu dis ?

Après la période printanière de courses sur route, arrive enfin la saison de triathlon. Pour une fois, notre saison n’a été planifiée concrètement que sur le tard, sachant que nous voulions faire un ironman complet aux alentours de juillet voire fin juin mais sans plus de détails jusqu’à février-mars. Peu de pression, la licence pro nous permet des inscriptions de dernière minute et la possibilité d’adapter notre programme à toute éventualité. L’idée est toutefois de profiter de cette licence pour faire deux 70.3 officiels de préparation avant cela ; et le premier a eu lieu le week-end dernier à Barcelone (suivront 70.3 Rapperswil-Jona la semaine prochaine et ironman Frankfurt le 30 juin).

Vendredi en fin d’après-midi, nous volons vers Barcelone, vélos paquetés avec sagex, néoprènes et autres affaires de compétition comme protection. Nous sommes en catégorie light avec un seul bagage en cabine à côté ; le weekend est de toute façon court et ne contient pas d’autre activité que la course en elle-même. Musique dans les oreilles et dodo. Une fois atterris à El Prat, nous faisons tous deux la même remarque : pas vu passer les sandwichs et chocolats Swiss. Qu’importe, le sommeil y est plus important, et galettes de riz et maïs remplissent les trous du sac à dos pour l’attente des valises et du bus qui nous mène vers Callela. D’ailleurs sur place, nos esprits sont très vifs à avoir repéré un restaurant italien pour le souper quand notre chère hôte AirBnB nous guide sur les 200m qui nous séparent du logement. Un coup d’œil bienveillant dans les valises suffira pourtant pour ce soir, il est déjà tard et la panse repue, nous fonçons dans notre lit.

Au réveil du samedi, nous nous occupons des vélos ainsi que des achats de nourriture supplémentaires. La météo est comme elle le sera tout le weekend, fraîche et humide, route mouillée mais sans pluie le matin, tandis que quelques beaux mais courts orages éclatent l’après-midi. Vers 10h nous nous élançons sur un repérage du parcours vélo. Ce n’est le même que sur l’ironman complet d’octobre que sur quelques kilomètres au départ avant de dévier dans les vallées et parcs forestier sur la droite de St-Paul. A voir le profil sur la carte et les zigzags fréquents, le parcours risque bien d’être plus compliqué qu’originalement pensé. Trois bosses à faire sur un tracé quasiment jamais plat. La première (et troisième aussi du coup) en aller-retour avec une boucle au milieu pour passer la plus élevée. Nous prévoyons aujourd’hui de gravir cette première bosse (sommet au kilomètre 20) puis de revenir au départ et retrouver notre programme manger-dormir. Si le début dans un vallon est fort sympathique et presque bucolique, l’attitude change sur la deuxième partie. D’un faux-plat montant ou nous dépassons groupes de cyclistes les uns après les autres, cela devient subitement une montée de col presque avec deux français, l’air très pro, qui nous dépassent et nous font transpirer la moindre sous notre pull Rushteam longues manches. Ouais, ben, si ça c’était la facile, faudra y mettre les watts demain, et adapter la gestion pour pousser dans les montées parce que les descentes ne le permettront pas tout le temps.


Daniel à la reconnaissance du samedi

À fond mon gars

Rien de spécial à signaler au briefing du soir. Même en pro, on s’habitue vite aux prouesses de Paul Kaye, et aux slides qui défilent avec plus d’avertissements sur les mauvaises prévisions météorologiques que sur ce qui m’intéresse vraiment. Le truc, c’est justement que t’es pro: quand tu te lèves le dimanche matin, tu sais ce que tu as à faire. 5h, ça semble au final même pas si tôt et le temps est largement suffisant pour rejoindre la transition à pied et finir les derniers préparatifs. On croise aux vélos ainsi que dans la tente de transition, un certain Jan van Berkel (revenant de blessure) ; Jean-Claude lui aurait piqué sa place la veille avec ses sacs, dossard 30 ou 33 qui sait. On sent alors une certaine nervosité dans l’échange :

  • Vous prenez un gilet ou des manches ?
  • Quoi ? Non, pas le temps pour ça
  • Mais vous avez vu la météo
  • Ouais, fait froid mais pas tant que ça… et c’est une course
  • Vous savez, je dois m’entraîner demain encore moi !

Alors qu’il s’assied sur le banc à côté et sors visiblement l’app météo sur son natel, nous partons de notre côté sans plus mot direction le parcours course à pied pour un mini-trot. Dix minutes plus tard, après avoir réfléchis chacun pour soi un moment, on se regarde et dit avec Jean-Claude : « Tu crois qu’il est juste pas sûr de lui ? ».  Qui sait, la seule conclusion du moment est que les pros sont au final comme les autres, stressés, incertains, et impatients que les esprits puissent se défouler sur les quelques heures de course devant nous.

Comme dirait Jean-Claude, moqueur de la pub ironman sur l’enveloppe des dossards (« If you made it till here, just take one step further, then another… » sur un fond de départ natation depuis une plage; JC: « and then at some point, swim »), la course commence par de la natation. Pour moi, ça a tabassé la moindre mais pas trop jusqu’à la première bouée ; un peu plus de peine à trouver le bon rythme et pris de l’eau complet dans l’œil gauche (satané sel, on m’avait prédit un choc d’eau froide, elle est bonne mais le sel ça pique et ça n’a pas bon goût), rien de plus. Virage de 90° à droite et depuis là, je suis un groupe de deux dans les bulles des celui de gauche. Ils font un peu de zigzag-sandwich (s’écartent, je rejoins un peu par le milieu, puis se resserrent et m’enferment) qui nous laisserait un peu de marge de progrès, mais avancent malgré tout pas si mal. Et au moins je suis fixé jusqu’à la sortie de l’eau.


Jean-Claude à la reconnaissance du samedi

Bien sur les barres, quand on peut y être

On m’annonce alors 8e et je passe pour une fois une bonne transition jusqu’à mon vélo avec même le temps de rincer la bouche avec une bouteille d’eau. Là, j’entends le speaker annoncer Jean-Claude et Jan sortir ensemble de l’eau ; petite surprise, j’ai pas mal d’avance, non pas que je m’attende forcément à la tenir. Top 10 ce serait parfait, top 15 plus réaliste, j’aurais très certainement des fusées qui me passent à vélo. Une bonne transition sur ironman n’est toutefois pas encore pour aujourd’hui. L’élastique de ma chaussure gauche a lâché et en tournant, elle se coince bizarrement sur le cadre. Je m’arrête complet au moment de monter dessus et la remet en place à la main. Voilà alors que je sors le scratch velcro de sa boucle en faisant la manœuvre. Je le remettrais quelques hectomètres plus loin en roulant. Mais j’ai vraiment perdu l’habitude et l’assurance pour faire ça smooth (devant là où tout le public s’était amassé en plus).

Bref, c’est parti et plutôt pas si mal. La première partie avec position aéro interdite ne me plaît pas trop (et n’est pas respectée des deux autres sortis avec moi), mais une fois sur la principale, je peux foncer. Les jambes et la position sont là. Les sensations bonnes. Et l’envie de pousser aussi. Avec le temps, la peur de devoir gérer un semi c’est gentiment estompée, maintenant je veux juste être aussi bon que les autres autours de moi. Dans la première montée, j’ai bien l’impression de l’être par ailleurs. Je dépasse un autre concurrent mais sinon ne croise pas grand monte jusque dans la descente derrière. Un groupe se forme alors, entre celui qui freine trop devant (plus que moi) et ceux qui sont un peu fous derrière (plus tard je verrais un vélo devant un buisson et un photographe descendre de sa moto dans le talus derrière). Tout derrière, je mange une barre sous les yeux d’une moto (arbitre ou photo ? pas sûr). Je tiens sans trop de problèmes le rythme jusque dans le prochain village où un trou se forme en milieu de groupe. Je dépasse les deux derniers lâchés mais ne reviendrai jamais sur les autres qui s’engagent encore plus vite que moins dans l’approche de la deuxième montée. Véritable col, je ferais celle-là seul au monde, avec des regards fréquents sur mon compteur pour les kilomètres (combien avant le sommet ?) et les watts/vitesse (sérieux ?! 440W pour 17km/m, ça donne pas l’impression de monter autant).

Le début de la descente derrière est très mauvais. On a été avertis, mais les inundable aux milieux de racines et dans les virages, je m’en serai passé. La tête de mort au spray avant un virage dont on ne voit pas la sortie est aussi une méthode de signalisation bien intéressante. Heureusement, on nous a dit également que dès qu’on change de route pour la principale, c’est tout bon. Et là, ça fonce. Faux-plat descendant interminable où je me fais plaisir. J’ai l’impression d’être super bien en position et de pouvoir malgré tout appuyer correctement sur les pédales. Traversée de village à plus de 50km/h en passant les gendarmes couchés marqué 40km/h sur les barres et levant un peu le poids de la selle. Quelques habitants devant leur maison et des policiers aux gilets jaune, je me verrais presque dans un grand tour cycliste.

Sur le retour, Thomas Huwiler me reprend et si je peux m’accrocher un moment, je dois finir par laisser partir dans la montée. Le groupe que j’ai aperçu pas loin derrière sur l’aller-retour pour traverser l’autoroute ne me rejoindra pourtant pas ; j’avance toujours bien. Le seul souci à signaler est que j’ai pris ma boisson à la légère. Je n’ai pas pris de gourde à 60km, sûr que j’avais encore de l’iso devant, pour remarquer le contraire pas loin après. Pas trop grave par cette météo fraîche, mais à ne pas répéter.

Course de bulldozer

Voilà déjà Callela qui approche et la transition course à pied. Je prends mon sac au moment où Thomas quitte la tente pour ses 21km, selon sa forme soit il court un bout plus vite que moi, soit je l’aurais. L’idée n’est pourtant pas trop de se fixer sur lui, et après un kilomètre en 3’25 à le suivre des yeux de loin, je prends la sage décision de me fixer dans mon rythme. Je ne suis pas pour autant fixé sur un tempo particulier mais plus sur les sensations. Je ne regarde la montre qu’à 5, 10 et 15km (17’30, 36’30, 54’45). Les sensations ne sont pas excellentes au début, avec le tendon d’Achille gauche douillet et la cuisse droite aux bord de la crampe avec la tendance à tendre le bas de dos. Je peux malgré tout emmener un bon rythme et ai du plaisir à courir avec un peu plus de spectateurs autours.  La cuisse finira également par se détendre gentiment, et, après un passage un peu plus difficile énergétiquement parlant, j’ai même l’impression d’augmenter le rythme au fur et à mesure des kilomètres. Le style n’y était probablement pas, les pieds rasant les sols et un pas lourd ; la technique bulldozer quoi, c’est pas forcément beau mais tant que ça avance, on n'en demande pas beaucoup plus.

Après 1h17 pour mon semi, je rejoins l’arrivée content. 12e pro est tout à fait dans ce que j’avais prévu. Mes temps natation et course sont plutôt bon. Et même si mon vélo est « lent », le parcours ne se prêtait pas aux 40km/h de moyenne que je voudrais bien atteindre sur ironman. Mais Frankfurt étant plat, qui sait, peut-être que ce n’est que partie remise.

PS : et oui, ça fait quelque part un peu bizarre d’aller seul avec Jean-Claude à une compétition comme ça, vaguer en ville le soir ou le lendemain à l’aéroport sans trop savoir quoi faire et n’avoir d’encouragement quasiment uniquement de gens qui lisent (plus ou moins bien) ton nom sur le dossard.



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